This morning, I have got this one in head :
Les chants de Maldoror (Extraits)
Plut au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanment froce comme ce qu'il lit, trouve, sans se dsorienter, son chemin abrupt et sauvage, travers les marcages dsols de ces pages sombres et pleines de poison; car, moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit gale au moins a sa dfiance, les manations mortelles de ce livre imbiberont son me comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre: quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par consquent, me timide, avant de pntrer plus loin dans de pareilles landes inexplores, dirige tes talons en arrire et non en avant.
Vieil ocan, o grand clibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu t'enorgueillis juste titre de ta magnificence native, et des loges vrais que je m'empresse de te donner. Balanc voluptueusement par les molles effluves de ta lenteur majestueuse, qui est le plus grandiose parmi les attributs dont le souverain pouvoir t'a gratifi, tu droules, au milieu d'un sombre mystre, sur toute ta surface sublime, tes vagues incomparables, avec le sentiment calme de ta puissance ternelle.
O pou, la prunelle recroqueville, tant que les fleuves rpandront la pente de leurs eaux dans les abmes de la mer; tant que les astres graviteront sur le sentier de leur orbite; tant que le vide muet n'aura pas d'horizon; tant que l'humanit dchirera ses propres flancs par des guerres funestes; tant que la justice divine prcipitera ses foudres vengeresses sur ce globe goiste; tant que l'homme mconnaitra son crateur, et se narguera de lui, non sans raison, en y mlant du mpris, ton rgne sera assur sur l'univers, et ta dynastie tendra ses anneaux de sicle en sicle.
Oui, je sens que mon me est cadenace dans le verrou de mon corps, et qu'elle ne peut se dgager, pour fuir loin des rivages que frappe la mer humaine, et n'tre plus tmoin du spectacle de la meute livide des malheurs, poursuivant sans relche, travers les fondrires et les gouffres de l'abattement immense, les isards humains. Mais, je ne me plaindrai pas. J'ai reu la vie comme une blessure, et j'ai dfendu au suicide d'en gurir la cicatrice. Je veux que le Crateur en contemple, chaque heure de son ternit, la crevasse bante. C'est le chatiment que je lui inflige.
Chassez le mal de vos chaumires, et laissez entrer au foyer le manteau du bien. Celui qui portera la main sur un de ses semblables, en lui faisant au sein une blessure mortelle, avec le fer homicide, qu'il n'espre point les effets de ma misricorde, et qu'il redoute les balances de la justice. Il ira cacher sa tristesse dans les bois; mais, le bruissement des feuilles, travers les clairires, chantera ses oreilles la ballade du remords; et il s'enfuira de ces parages, piqu a la hanche par le buisson, le houx et le chardon bleu (...)
Sachez que le cauchemar qui se cache dans les angles phosphoriques de l'ombre, la fivre qui palpe mon visage avec son moignon, chaque animal impur qui dresse sa griffe sanglante, eh bien, c'est ma volont qui, pour donner un aliment stable son activite perptuelle, les fait tourner en rond.
Isidore Ducasse Lautreamont
Les chants de Maldoror (Extraits)
Plut au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanment froce comme ce qu'il lit, trouve, sans se dsorienter, son chemin abrupt et sauvage, travers les marcages dsols de ces pages sombres et pleines de poison; car, moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit gale au moins a sa dfiance, les manations mortelles de ce livre imbiberont son me comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre: quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par consquent, me timide, avant de pntrer plus loin dans de pareilles landes inexplores, dirige tes talons en arrire et non en avant.
Vieil ocan, o grand clibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu t'enorgueillis juste titre de ta magnificence native, et des loges vrais que je m'empresse de te donner. Balanc voluptueusement par les molles effluves de ta lenteur majestueuse, qui est le plus grandiose parmi les attributs dont le souverain pouvoir t'a gratifi, tu droules, au milieu d'un sombre mystre, sur toute ta surface sublime, tes vagues incomparables, avec le sentiment calme de ta puissance ternelle.
O pou, la prunelle recroqueville, tant que les fleuves rpandront la pente de leurs eaux dans les abmes de la mer; tant que les astres graviteront sur le sentier de leur orbite; tant que le vide muet n'aura pas d'horizon; tant que l'humanit dchirera ses propres flancs par des guerres funestes; tant que la justice divine prcipitera ses foudres vengeresses sur ce globe goiste; tant que l'homme mconnaitra son crateur, et se narguera de lui, non sans raison, en y mlant du mpris, ton rgne sera assur sur l'univers, et ta dynastie tendra ses anneaux de sicle en sicle.
Oui, je sens que mon me est cadenace dans le verrou de mon corps, et qu'elle ne peut se dgager, pour fuir loin des rivages que frappe la mer humaine, et n'tre plus tmoin du spectacle de la meute livide des malheurs, poursuivant sans relche, travers les fondrires et les gouffres de l'abattement immense, les isards humains. Mais, je ne me plaindrai pas. J'ai reu la vie comme une blessure, et j'ai dfendu au suicide d'en gurir la cicatrice. Je veux que le Crateur en contemple, chaque heure de son ternit, la crevasse bante. C'est le chatiment que je lui inflige.
Chassez le mal de vos chaumires, et laissez entrer au foyer le manteau du bien. Celui qui portera la main sur un de ses semblables, en lui faisant au sein une blessure mortelle, avec le fer homicide, qu'il n'espre point les effets de ma misricorde, et qu'il redoute les balances de la justice. Il ira cacher sa tristesse dans les bois; mais, le bruissement des feuilles, travers les clairires, chantera ses oreilles la ballade du remords; et il s'enfuira de ces parages, piqu a la hanche par le buisson, le houx et le chardon bleu (...)
Sachez que le cauchemar qui se cache dans les angles phosphoriques de l'ombre, la fivre qui palpe mon visage avec son moignon, chaque animal impur qui dresse sa griffe sanglante, eh bien, c'est ma volont qui, pour donner un aliment stable son activite perptuelle, les fait tourner en rond.
Isidore Ducasse Lautreamont